Les biomédicaments : une révolution sous surveillance
Ces dernières années, les progrès réalisés en génie génétique et en biotechnologie ont permis de concevoir une nouvelle génération de médicaments appelés « biomédicaments ». Ces molécules, issues du vivant et non de la synthèse chimique, améliorent les perspectives thérapeutiques d’un certain nombre de patients. Des questions sont toutefois soulevées quant à la soutenabilité budgétaire de leur prescription et à la qualité de l’accompagnement des patients recevant des biomédicaments à domicile.
Des perspectives thérapeutiques améliorées
Leur efficacité clinique est notamment prouvée dans le cas de maladies auto-immunes (telles que la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques, etc.) ou le cancer. De nouveaux domaines sont désormais investis tels que l’ostéoporose ou l’hypercholestérolémie. Les quelques 180 biomédicaments commercialisés en France sont donc des innovations thérapeutiques qui répondent à des besoins médicaux mal satisfaits, voire non satisfaits jusqu’à présent.
L’effet bénéfique des biomédicaments sur la qualité de vie des patients est également mis en avant, tant par les médecins prescripteurs que par les patients usagers dont la satisfaction est relayée par les associations de patients.
L’innovation a un prix… Mais qui reste à relativiser
Parce qu’ils sont caractérisés par une amélioration du service médical rendu élevée, les biomédicaments sont de plus en plus prescrits. Cependant, leur prix est élevé en raison de coûts de R&D plus importants, de processus de production plus complexes nécessitant de lourds investissements en capital et d’une population-cible plus étroite. Cela impacte nécessairement le budget des établissements de santé. En 2014, parmi les 10 médicaments de la liste en sus qui génèrent les dépenses les plus élevées, huit sont des biomédicaments, soit 1,2 milliards dépensés dans les établissements ex-DG.
Laurent Lubineau, représentant de l’association Aupetit en Indre-et-Loire, estime que « certains patients peuvent vite culpabiliser » à la vue du prix de leurs injections. Toutefois, leur coût est à relativiser sur le critère des économies réalisées : la biothérapie réduit le nombre d’arrêts de travail et freine le recours systématique à la chirurgie comme c’est le cas dans la maladie de Crohn. Reprendre son travail, retrouver une vie sociale confortable, ne pas subir d’intervention chirurgicale constituent des bénéfices de qualité de vie non négligeables. « On est entre le poids des euros et le bénéfice de la vie », résume Laurent Lubineau.
En outre, l’expiration des brevets va concerner un nombre croissant de molécules princeps ces prochaines années, ce qui va ouvrir le marché à la concurrence des molécules biosimilaires (quasi-équivalents des génériques vis-à-vis des princeps chimiques). Bien que les biosimilaires restent onéreux, une baisse des prix devrait être constatée dans le cadre des appels d’offre passés par les hôpitaux. Cela devrait donc se traduire par une baisse des dépenses pour l’Assurance Maladie.
Quelle régulation ?
Compte tenu du coût élevé des biomédicaments, le Dr André Ochmann, directeur de l’offre sanitaire et médico-sociale à l’ARS Centre, souligne l’importance d’une régulation des professionnels de santé dans un contexte de budget contraint et d’absence de préconisations nationales. Le Dr Béatrice Birmelé, néphrologue et responsable de l’Espace de Réflexion Ethique à Tours, regrette : « le fait que les prescripteurs et les patients ignorent le plus souvent le coût des médicaments. La réflexion doit mobiliser tous les acteurs selon une démarche pluridisciplinaire (prescripteurs, pharmaciens, directeurs-gestionnaires, associations de patients). Un principe de vases communicants devrait être mis en œuvre, consistant à moins dépenser ailleurs pour permettre aux patients qui en ont le plus besoin d’être traités par biomédicament ». Reste à identifier les postes d’économies possibles.
Accompagner la biothérapie à domicile
A des fins de maîtrise de coûts et en réponse à une « exigence fondamentale de la société », selon le Dr Ochmann, la prise en charge des patients en ambulatoire progresse. Or, dans le cas de certaines pathologies, les patients peuvent s’auto-administrer leurs biomédicaments à domicile (injection sous-cutanée), ce qui leur permet de gagner en autonomie et de s’affranchir des contraintes d’une hospitalisation de jour.
Les associations de patients reconnaissent le bénéfice d’autonomie de ces biothérapies à domicile mais soulignent l’importance de l’accompagnement du patient. Comme le souligne Laurent Lubineau, « ce n’est pas du paracétamol (…). Si à un moment, le patient alerte sur telle ou telle chose, il faut savoir l’entendre mais pour pouvoir l’entendre, il faut pouvoir l’écouter ». Par exemple, en cas de question ou de problème au cours du traitement sous-cutané, le patient doit pouvoir avoir un interlocuteur : « est-ce au labo de répondre ? Au médecin ? A une infirmière ? ». Le Dr Birmelé confirme que « c’est une nouvelle médecine, un nouvel apprentissage. Les professionnels doivent apprendre cette nouvelle manière d’être avec le patient et de communiquer, (…) d’être plus complémentaires autour du patient ». Le Dr Ochmann espère que des ressources pourront être allouées aux associations pour qu’elles poursuivent leur action d’information et de sensibilisation des patients même si ce n’est pas de l’éducation thérapeutique stricto sensu.
Juliette Evon, Fanny Monmousseau et Abdessamad Moulay Elrhazi
Axe Sciences Humaines et Sociales du programme ARD 2020 « Biomédicaments »