La Région Centre-Val de Loire : future terre d’accueil de la production de biomédicaments ?
Vivier de ressources et de savoirs dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, la Région Centre-Val de Loire est une terre d’excellence et de savoir-faire reconnue et considérée au niveau international. Mais cette dernière doit faire face à de nouveaux défis : aujourd’hui 70% des produits qui obtiennent une autorisation de mise sur le marché (AMM) sont des biomédicaments. Dans ce contexte, comment conjuguer au mieux ce savoir-faire intemporel et les enjeux du présent pour faire de la région Centre-Val de Loire une future terre d’accueil pour la production de biomédicaments ?
Quelle place pour la bioproduction ?
Même si « l’industrie chimique n’est pas morte et qu’elle se porte correctement » comme le souligne Christophe Carissimo, Président de Cactus Pharma, la croissance du secteur biopharmaceutique apparaît comme encourageante. En effet, selon Pascal Breton, PDG de VitamFero, « le potentiel de croissance économique en termes de chiffre d’affaires est sûrement plus important dans le domaine biopharmaceutique que dans le domaine pharmaceutique traditionnel ». Malgré cette croissance prometteuse, un manque de réactivité de la France est toutefois à déplorer : la réalité du terrain montre que seulement 3 % des anticorps monoclonaux commercialisés sont produits en France alors que le pays est le 3ème exportateur de médicaments dans le monde. Cependant, les avis convergent sur l’idée qu’il ne faut pas tirer un trait sur l’outil industriel pharmaceutique classique, qualifié par Xavier Monjanel, Président du GREPIC et DG des laboratoires Chemineau, comme étant « un outil historique, de pointe et d’excellence industrielle régionale qu’il est nécessaire de préserver ». La région est confrontée à un enjeu majeur : réussir à faire coexister l’industrie pharmaceutique classique et biologique.
Quelles mutations pour l’industrie ?
La région Centre-Val de Loire ne semble pas prête pour fabriquer des biomédicaments dans des réacteurs de fermentation. D’après Xavier Monjanel, « il est utopiste de penser pouvoir fabriquer le principe actif biologique en Région Centre-Val de Loire (production primaire) alors qu’actuellement la région ne fabrique même pas ses propres principes actifs chimiques ». Et comme le rappelle Christophe Carissimo, « la complexité de transformation d’un site de production de médicaments classiques vers un site de bioproduction est notoire, aussi complexe qu’une création ex-nihilo ». Pascal Breton sonne également le glas sur les coûts qu’engendre la transformation d’un site : « c’est inenvisageable, ça coûte cher, bien trop cher ». A titre d’exemple, le projet Biolaunch : reconversion partielle du site de Sanofi à Vitry sur Seine, a coûté plusieurs centaines de millions d’euros.
Cependant les savoir-faire de la région devraient constituer un atout pour assurer la production de biomédicaments sous forme injectable (production secondaire). Il n’en demeure pas moins que la région continuera à accorder dans les années à venir, une attention particulière au coût du « ticket d’entrée » dans le monde des biomédicaments, qu’elle espère voir diminuer.
Quels financements ?
Tout d’abord, l’investissement de la région dans la recherche académique est à souligner. Toutefois, selon Pascal Breton, il est nécessaire de dénoncer le manque de soutien aux start-up et le déficit d’entreprises nouvellement créées, justifié par le long développement des médicaments, retardant ainsi l’obtention des premiers retours sur investissement. De la même façon, il est nécessaire d’accompagner les entreprises spécialisées et de cesser le « saupoudrage », ainsi la création d’un fonds d’investissement en capital risque pourrait être une première proposition. Xavier Monjanel soutient aussi l’existence d’une communauté d’industriels et de scientifiques reposant sur un réseau fédéré.
Quelles formations ?
Grâce à l’IMT et à la création du BioCube Institute à Tours, les formations en bioproduction, biocontrôle, bioqualité se développent. Xavier Monjanel évoque cette dynamique : « aujourd’hui, on essaye de mettre les talents de cette région au service du développement des biomédicaments […], nous allons être la première région à présenter ce type de formation ». Sans oublier que maintenir cette activité, c’est aussi garantir un bassin d’emplois au sein de la région.
Tirer son épingle du jeu dans le domaine des biomédicaments suppose donc de relever de nombreux défis tant pour le secteur que pour la région Centre-Val de Loire comme : développer le savoir-faire régional, tirer profit de cette terre d’excellence, accentuer les financements et les soutiens aux start-up…Des enjeux auxquels les acteurs régionaux répondent depuis plusieurs années, afin d’assurer leur présence sur la scène nationale et internationale.
Juliette Evon, Fanny Monmousseau et Abdessamad Moulay Elrhazi
Axe Sciences Humaines et Sociales du programme ARD 2020 « Biomédicaments »